Joshin Dojo Basel

Des principes d’entrainements aux arts martiaux, des principes de vie, des calligraphies et des explications de Pascal Krieger qui nourrissent le corps, l’âme et nous guident sur la voie de tous les jours.

Un grand merci à Pascal de nous permettre l’utilisation de ses superbes calligraphies!
« Tout ce qui n’est pas transmis est perdu. »
P. Krieger

A découvrir aussi « Ten Jin Chi »

une approche calligraphique du Budo, par Pascal Krieger

Il est possible de commander des calligraphies à Pascal sur le site

Budo no ShodoWa
(paix, harmonie)

Lorsqu’on se trouve dans une position où l’on doit transmettre au travers de formes pré-arrangées (Kata) un héritage culturel, il faut se poser certaines questions et avoir une vision claire de ce qu’on essaie d’accomplir.
Voici, en résumé, un survol des convictions actuelles de Pascal Krieger :
«Shintô Musô Ryû Jô est une tradition martiale japonaise vieille de près de 400 ans. Mes quelque trente années de pratique de cette tradition m’ont amené à une position, souhaitée par Me Shimizu, et plus tard, par Me Nishioka, dans laquelle je suis censé promouvoir la pratique de ce Budô classique sur le continent européen. C’est une tâche difficile, et ceci pour une raison évidente: je ne suis pas Japonais!

Je pense que la transmission d’un tel héritage culturel revient de droit aux Japonais eux-mêmes et que cela peut, dans certains cas, devenir leur principale préoccupation. Il m’a fallu donc chercher d’autres motivations pour assumer cette lourde tâche. Ces dernières années, il m’est apparu assez clairement que pour nous autres, Occidentaux, notre travail principal dans la transmission d’une tradition martiale japonaise était d’extraire de l’esprit de cette tradition toutes les valeurs humaines spécifiquement universelles puisque les valeurs traditionnelles japonaises ne nous concernent que relativement et nous restent de toutes façons difficilement accessibles. C’est dans ce sens que va l’enseignement que j’essaie de donner, avec tous mes doutes et mes erreurs.»

Gojô
(les cinq conditions)
«Pour donner un exemple de ce qui précède, j’ai choisi le Gojô (les 5 conditions). A l’origine, cette philosophie de Confucius avait pour but de maintenir un semblant d’harmonie dans une société divisée en hommes de bien et en hommes de basse condition. Ces valeurs furent plus tard détournées dans des buts plus inavouables encore. Il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, il est possible de retrouver l’esprit de cette philosophie et de l’actualiser au sein de notre environnement culturel. De plus, le Jôdô nous donne l’opportunité de mettre en pratique cette philosophie dans l’entraînement lui-même, et, plus tard, dans notre vie quotidienne. Pour illustrer mon propos, je me permets de survoler ces cinq conditions en établissant quelques rapports avec des images concrètes du travail au Dôjô.»
JIN/NIN
(Bienveillance, Chaleur humaine)

Cette condition est la première car si elle n’influe pas les suivantes, ces dernières peuvent être conduites à des extrêmes qui vont à l’encontre de leur but initial. Dans la pratique, c’est une valeur essentielle dans les rapports entre Uchidachi (côté sabre, donc enseignant) et Shidachi (côté Jô, donc élève). C’est avec bienveillance, donc humilité, que celui qui est plus expérimenté montre le chemin à celui qui l’est moins. Sans cette valeur primordiale, l’enseignant n’est qu’un technicien plus avancé qui tend à constamment prouver à son élève qu’il est le plus fort. Les rapports entre Sempai (seniors) et Kohai (juniors) devraient être mesurés à cette même valeur.
Cette valeur est tellement subjective qu’elle m’a souvent rempli de terreur. Qu’est ce qui est juste, et par rapport à quoi? La pratique de cette valeur a au moins un avantage: celui de nous faire réfléchir avant de faire un choix, même si ce dernier n’est pas le bon. Dans la pratique, un mouvement peut être juste pour un débutant car il aide à une compréhension progressive. Le même mouvement peut être complètement erroné dans la réalité combative, ou alors il peut avoir une valeur éducative ou obéir à un critère de sécurité pour un entraînement à rythme soutenu. L’enseignant doit choisir, savoir ce qui est juste et pourquoi, et rester conscient que ce choix peut varier selon les circonstances. Plus globalement, la justice, quand cela concerne le jugement d’un conflit, la résolution de problèmes, requière une grande connaissance et beaucoup de recul que seuls l’âge et l’expérience peuvent éventuellement apporter. Sans oublier que sans une bonne dose de NIN/JIN, cette valeur peut très facilement conduire à des extrêmes opposés. Notre histoire nous en donne suffisamment d’exemples.
GI
(Justice)

REI
(Etiquette)

Nous vivons dans une période de notre histoire où les repères tendent à disparaître. Il n’y a plus de rites, plus de passages. En examinant attentivement l’étiquette inhérente à la tradition martiale japonaise en général, il est très important de se rappeler le concept Keiko Shôkon: ne pas se contenter de singer ce qui s’est fait dans le passé, mais d’en retrouver l’esprit et de l’actualiser dans notre environnement d’aujourd’hui. Dans la pratique, le Reishiki tend à se traduire par une transition entre les activités quotidiennes et celles du Dôjô au travers d’ un rituel demandant une grande concentration du corps et de l’esprit. C’est aussi une prise de conscience du lieu et des gens avec qui l’on pratique. C’est encore une attitude de respect ritualisée qui nous aide à nous situer par rapport à autrui. Il est évident que sans une bonne dose de JIN/NIN, l’étiquette peut comporter tous les aspects de l’obséquiosité et de la superficialité. 
A une époque où l’on tend à entasser les connaissances plutôt qu’à les construire, cette valeur est également d’une grande importance. La véritable connaissance n’est-elle pas plutôt celle qui consiste à relier toutes choses au grand Tout, à tirer les fils entre ses divers aspects et acquérir une vision globale sans pour autant perdre de vue les détails? Dans la pratique, le Ri-ai (la cohérence, la logique) d’une technique nous permet de mettre en pratique cette valeur. En partant d’un simple mouvement, il faut connaître ses conséquences techniques d’abord, les possibilités qu’il donne à l’adversaire, puis plus profondément, pourquoi on exécute ce mouvement-là plutôt qu’un autre, et à ce moment-là. Plus loin encore, connaître où ce mouvement se situe dans le contexte global de la Tradition qu’on pratique, qu’est-ce qu’il est censé enseigner au pratiquant… pour arriver finalement à connaître la place et la raison de ce mouvement dans l’éducation spirituelle du pratiquant. Et tout cela avec un zeste de JIN/NIN…

CHI
(Connaissance)

SHIN
(Confiance)


 Il s’agit ici de la confiance que l’on inspire plutôt que la confiance en soi. Il y a également une forte connotation de sincérité dans cette valeur. Le caractère, d’ailleurs, donne le ton: le radical humain suivi à droite de parole: parole d’homme. Dans la pratique, cette valeur peut avoir deux tranchants. Dans le cas d’une attaque, la cible préconisée par le Kata doit être visée. Combien de fois ne coupe-t-on pas à côté de peur d’atteindre l’adversaire, ou trop court, ou trop lentement. Cette attitude ne rend guère service à votre adversaire car elle l’habitue à une réaction erronée et lui fait commettre des erreurs techniques tout en lui donnant une fausse assurance. Cette valeur est bien entendu à transposer dans l’attitude générale: arriver à l’heure, tenir ses promesses, faire ce qu’on dit, bref, être digne de confiance et faire confiance. Mais là aussi, l’histoire nous donne assez d’exemples de confiance aveugle induisant les hommes aux pires extrémités. Une bonne dose de JIN/NIN s’impose, en même temps que de GI, REI et CHI.

Il est donc suffisamment évident que ces cinq valeurs sont intrinsèquement liées et qu’elles forment un tout qui peut se traduire ainsi: une attitude générale qui fait de nous des êtres humains dignes d’être considérés comme tels.

J’ai spécifiquement choisi ces cinq conditions car elles sont mentionnées dans chaque certificat traditionnel de Shintô Musô Ryû Jô.

D’autres principes…


Satsu Jin Tô. Katsu Jin Ken

« Le sabre qui tue. Le sabre qui donne la vie »

L’explication:
« Dans toutes les disciplines martiales, on s’intéresse d’abord à l’adversaire, à l’efficacité, pour réaliser progressivement que celui qu’il faut vaincre réside en nous-mêmes.
C’est en cela que le sabre finit par donner la vie. »

Ki Ken Taï Ichi

« L’énergie, le sabre et le corps ne font qu’un »

L’explication:
« Que ce soit dans n’importe quel mouvement, ces trois éléments ne doivent faire qu’un.
Une recherche constante d’harmonie entre l’énergie, le physique et le corps étranger (sabre, bâton, adversaire). »

 



Isshin

« Un seul coeur »

L’explication:
« Un principe très japonais. Quand on attaque, on le fait avec tout son coeur.
Pas le temps de feinter, d’hésiter, on se lance corps et âme avec son Shinai(sabre de bambou).
Un principe que l’on retrouve dans toutes les disciplines martiales japonaises. »


Man Dô Ichi (no) Gotoshi

« Dix milles voies ne font qu’une »

L’explication:
« Que l’on utilise son corps, un sabre,un bâton ou un couteau, les principes fondamentaux sont identiques (distance, timing, utilisation de l’énergie, centrage, etc) même s’ils doivent être adaptés à la situation. »

 



Také (wa) Yuki (wo) Yadosazu

« Le bambou ne garde pas la neige »

L’explication:
« La branche du bambou plie sous le poids de la neige, puis celle-ci finit par glisser et la branche se redresse. Une image peut-être poétique, mais d’une efficacité redoutable quand elle est appliquée judicieusement. »


Jû Yoku Go (wo) Sei (suru)

« Sois conscient de ta souplesse et tu maîtriseras ta force »

L’explication:
« Comme le jour n’est définissable qu’avec la nuit, la force n’a pas de sens sans la souplesse.
Jouer avec ces deux extrêmes: tout l’art est là.

 


Iri-Mi,

« Entrer dans le corps »

L’explication:
Un principe plus qu’une technique. Ce principe consiste à entrer dans l’espace occupé par l’adversaire, mais pas n’importe comment, et surtout, pas n’importe quand ! En effet, irimi est très lié au « timing » et à l’espace, ces deux concepts étant inclus dans le terme ma-aï. Lorsqu’on veut faire irimi, il faut parcourir la distance qui existe entre vous et votre adversaire. Cet acte ne passe pas inaperçu de lui. Donc il faut l’effectuer au moment où votre adversaire est occupé à autre chose : prise de kamae, en général.
Pour moi, le irimi le plus efficace et le moins risqué consiste à laisser l’adversaire parcourir lui-même cette fameuse distance. S’il veut vraiment m’attaquer, il finira par le faire. Pendant les quelques centièmes de seconde durant lesquelles il avancera, je ne bouge pas et lui laisse sa cible. Lorsque son attaque est totalement engagée et ne peut plus être changée et que sa main ou son arme est sur le point de m’atteindre, je pratique un musoku (sans pieds – se baisser d’un seul coup, sur place) et tend mon arme dans sa direction. En conséquence, mon adversaire se projette lui-même sur ma main ou mon arme. On ne peut pas faire irimi tout seul, on a besoin de l’attaque de l’adversaire, et c’est cette attaque que l’on va utiliser pour la contrer.